Publié le 08 octobre 2021 par Priscilla Gout, mis à jour le 24 janvier 2024
Congrès des Architectes : “le Couvent des Jacobins est un événement architectural à lui-seul”
Rennes et le Couvent des Jacobins vus par l'architecte Philippe Loyer, fondateur de l’Atelier Loyer à Bruz.
Le 51e Congrès des architectes se tiendra les 28, 29 et 30 octobre 2021 au Couvent des Jacobins de Rennes. Philippe Loyer, président du Syndicat des Architectes de Bretagne, a porté la candidature de Rennes et de son centre des congrès. Il nous explique pourquoi la ville est un exemple en matière d’urbanisme raisonné, et inspirante en matière d’architecture.
Parlez-nous de votre parcours et du métier d’architecte…
Je suis diplômé de l’Ecole d’Architecture de Bretagne et j’exerce le métier d’architecte depuis plus de 30 ans avec passion, sincérité et générosité. C’est un métier très enrichissant, nécessitant à la fois une grande faculté d’abnégation et une grande envie de faire. S’il a évolué en bien, il s’est complexifié du point de vue des réglementations, et l’aspect juridique fait partie de notre quotidien. En chef d’orchestre, l’architecte est accompagné par des bureaux d’études pour « tout maîtriser » (électricité, plomberie, écologie, sociologie…). Et il est responsable pendant 10 ans des travaux réalisés par les entreprises !
Pour tout cela, la profession nécessite que l’on défende ses intérêts, comme le fait l’UNSFA (l’Union Nationale des Syndicats Français d’Architectes) et comme nous le faisons dans la région avec le Syndicat des Architectes de Bretagne, dont je suis le président. Je suis par ailleurs très impliqué au sein de l’association AMO Bretagne Pays de Loire (Architectes Maîtres d’Ouvrage), pour faire connaître la culture architecturale en France et hors de nos frontières. On compte 1200 architectes en Bretagne et 30 000 en France, soit 1 architecte pour 2000 habitants.
Quelle est votre histoire avec le territoire ?
Je suis né à Bruz près de Rennes. J’ai créé mon activité en collaboration avec un décorateur à Dinan (22) et je suis revenu m’installer à Bruz en 1994. L’Atelier Loyer et les Bureaux d’Ingénierie Associés ont été construits derrière l’église de Bruz. Ce sont deux bâtiments passifs, en bois et construits exclusivement en matériaux biosourcés, qui s’intègrent parfaitement à un environnement boisé. Une architecture en dialogue quotidien avec son paysage arboré !
Nous travaillons à l’international pour de grands groupes, sur des projets d’envergure en Chine, à Dubaï aux Emirats Arabes Unis, au Canada, et un peu partout en France. Le dessin est un langage universel et il est possible que ce dernier soit réalisé par des professionnels à l’autre bout du monde avec un respect total du détail dessiné par l’architecte. Nous restons, malgré tout, les pieds sur notre terre, ancrés sur le territoire breton et investis dans beaucoup de projets de proximité.
Pourquoi avoir choisi d’organiser ce 51e Congrès des Architectes à Rennes ?
L’UNSFA, organise chaque année son congrès dans une ville de France différente. En tant que président du Syndicat des Architectes de Bretagne, membre de l’UNSFA, j’ai été sollicité pour organiser la 51e édition. Beaucoup de mes confrères nationaux me réclamaient d’organiser une rencontre à Rennes. Ce sera bientôt chose faite !
Rennes est une ville active, toujours en développement, et a très bonne presse au niveau national dans sa façon de gérer son urbanisme. Les projets rennais sont discrets mais s’inscrivent dans le temps, un peu comme les immeubles Haussmanniens à Paris qui ne se démoderont jamais car ils sont bien dessinés. Il ne faut pas céder à la tentation des effets de mode : il faut penser à ce que deviendra le projet dans 30 ans. Rennes est une ville à l’architecture raisonnée et elle prend le temps de se construire, doucement mais sûrement.
Le Couvent des Jacobins est un véritable symbole pour votre profession…
Il est un événement architectural à lui-seul ! Le travail des architectes Jean Guervilly associé à David Cras, Françoise Mauffret et Alain-Charles Perrot est bien dessiné et délicat. Rennes Métropole a d’ailleurs eu le courage politique d’imposer un bâtiment en plein cœur de ville plutôt qu’en bord de rocade comme la plupart des palais des congrès. Cela présente un grand intérêt en termes d’accessibilité et de dynamisme. Et permet une mixité sociale entre les habitants, les passants de la place Sainte-Anne, et le monde des affaires qui vient au Couvent.
Le Centre des Congrès de Rennes s’inscrit aussi parfaitement dans la logique du développement durable. Trop souvent, le choix est fait de détruire l’existant pour reconstruire en neuf car cela coûte 1,5 fois moins cher. Au Couvent des Jacobins, on a fait le choix de garder ce qui pouvait l’être, pour l’histoire du lieu d’abord, mais également le choix audacieux d’y ajouter de la contemporanéité, de manière élégante, en respectant le lieu. La transition écologique et durable c’est aussi cela : conserver les bâtiments quand ces derniers peuvent l’être et leur redonner vie dans une autre fonction.
En quoi Rennes est-elle légitime pour accueillir des candidatures d’évènements de cette envergure selon vous ? Quels sont les atouts du territoire ?
Nous avons prévu d’accueillir 800 architectes sur le congrès pendant 3 jours et d’organiser un parcours architectural le samedi. L’enjeu pour ce genre d’événement n’est pas seulement lié à l’architecture que nous pourrions montrer : il s’agit également de sentir le pouls de la ville, la vie qui y règne… Aller dans les bistrots de Rennes, se rendre sur la place du marché des Lices le samedi matin, manger chez Léon le Cochon à République, traverser la rue Vasselot à pied, se balader dans le jardin de la confluence sur le Mail François Mitterrand…
Il y a énormément de choses à admirer du point de vue architectural à Rennes et autour : la tour des Horizons, le programme neuf Ascension Paysagère de Giboire sur les bords de Vilaine près du Bacchus ; Le Mabilay et son histoire ; l’œuvre Dancing Forest de Kengo Kuma quai Saint-Cyr et les péniches alentours ; l’immeuble Cap Mail de l’architecte Jean Nouvel ; la Cité internationale, conçu par Hérault Arnod Architectes ; la place des Champs-Libres ; EuroRennes ; la nouvelle gare de Rennes… Un peu plus loin, le bâtiment du SDIS (Service Départemental d’Incendie et de Secours en Ille & Vilaine) du cabinet d’architecture LAN ; l’église contemporaine de l’Anastasis à Saint Jacques de la Lande par l’architecte Alvaro Siza ; le lycée de Liffré, une construction en bois labellisé Passivhaus (label allemand de performance énergétique des bâtiments) ; ou l’hôtel du Château des Pères, totalement insolite !
On peut imaginer un parcours de visites varié et surprenant, et je l’ai enrichi de mes découvertes aux détours des rues de Rennes… Derrière toutes ces pierres, il y a des êtres humains. L’homme et la femme restent la principale richesse de notre patrimoine. En cela, le Congrès des Architectes est un moment de partage, de rencontres, de débats, de projections et de perspectives pour demain.
- En savoir plus sur le 51e Congrès des Architectes qui a pour thème « Architectes en perspectives ».
(Photo de Une : Destination Rennes)