Publié le 21 mars 2017 par Fabrice Mazoir, mis à jour le 24 janvier 2024
Les fouilles archéologiques : un livre ouvert sur 2000 ans d’histoire
L’Inrap vient de remettre un rapport monumental sur la fouille archéologique menée au Couvent des Jacobins de Rennes
12 volumes et 3835 pages… le rapport de l’Inrap sur les fouilles archéologiques réalisées au Couvent des Jacobins de Rennes est à l’image du chantier, d’une ampleur exceptionnelle. Un livre ouvert sur 2000 ans d’histoire(s) dont les chercheurs ont pu retrouver les traces grâce aux nombreux objets découverts sur place… Retour sur une aventure scientifique qui a commencé en 2007.
“Une aventure humaine, scientifique et technique”
10 ans, presque jour pour jour, après les premiers sondages réalisés au Couvent des Jacobins, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) a remis, le 15 mars 2017, un rapport sur des fouilles exceptionnelles entreprises à Rennes dans le cadre de la restauration du monument historique. Après 18 mois de fouilles préventives sur le terrain, des mois d’études des données en laboratoires, les chiffres de ce chantier exceptionnel parlent d’eux-mêmes : 200.000 pièces de céramiques, 1675 monnaies, 25.000 objets en métal, plus de 33.000 ossements d’animaux et 817 sépultures ont été mises au jour par les archéologues qui ont fouillé au total près de 8000 mètres carrés. Les découvertes ont fait l’objet de plus de 16542 fiches d’enregistrement, de près de 1000 relevés topographiques et de plus de 20.000 clichés. Au total, le mobilier retrouvé représente près de 20 palettes, de quoi remplir un bon rayon et faire rêver n’importe quel Indiana Jones…
Et les archéologues de l’Inrap n’ont pas été les seuls à être mobilisés. Céramologues, anthropologues, topographes et mêmes des médecins légistes ont été mis à contribution pour constituer une équipe pluridisciplinaire. Une soixantaine de chercheurs a ainsi collaboré à ce que Claude Le Potier, directeur de l’Inrap dans le Grand Ouest, décrit comme une « aventure humaine, scientifique et technique ». Un défi technique car il a fallu travailler dans un chantier hors normes sur lequel différentes histoires se sont passées. Avec comme objectif de « préserver l’intégrité du couvent et comprendre son histoire ».
De l’antique Condate à la période militaire…
Le rapport scientifique de l’Inrap permet de retracer l’histoire de cette fouille archéologique majeure, l’une des plus importantes menées par l’Inrap depuis ces 20 dernières années. Gaëtan le Cloarec, Responsable scientifique des fouilles, a comparé la complexité de l’archéologie préventive sur ce genre de site morcelé à « un livre qu’on lirait dans le désordre et dont on brûlerait les pages au fur et à mesure ». Grâce aux fouilles les scientifiques sont désormais capable de retracer l’histoire du lieu sur près de 2000 ans.
D’abord à travers les vestiges antiques du quartier de Condate découverts dans la Cour Nord. Des traces qui remontent au Ier siècle de notre ère avec notamment un carrefour stratégique de la ville où se trouvait sans doute un autel, ou une colonne, puis un temple, certainement dédié au dieu Mercure, le patron des commerçants et des voyageurs… Des objets antiques ont été ainsi analysés et restaurés : un glaive très rare, des statuettes de coq et de bouc témoignant du culte antique…
Le tournant de la découverte du sarcophage de Louise de Quengo
Les travaux de l’Inrap ont également fait avancer la connaissance du couvent médiéval, fondé en 1368, et des multiples transformations qui ont accompagné son développement jusqu’au XVIIème siècle. Les nombreuses sépultures de l’époque ont surtout permis de faire avancer la recherche sur les rites funéraires de la noblesse bretonne et européenne. 5 cercueils en plomb, dont le sarcophage de Louise de Quengo, ont été sortis de terre et ont constitué à eux-seuls une découverte archéologique majeure. Autre vestige émouvant, le morceau d’une partition du XVème siècle gravée sur une dalle de schiste a permis de reconstituer un chant religieux de l’époque…
La période militaire est également mieux connue. Avant la Révolution et l’affectation du Couvent en magasin militaire en 1793, les soldats y logeaient déjà dès les années 1780 et, paradoxalement, cette occupation nouvelle a permis au bâtiment d’être préservé alors qu’il se trouve en plein centre-ville d’une grande métropole…
“L’histoire continue” avec l’ouverture du centre des congrès…
Selon Gaétan Le Cloarec, « le Couvent s’était effacé de la mémoire des Rennais, on avait oublié son importance et son rayonnement ». Aujourd’hui, les scientifiques sont capables de retracer dans le détail ses métamorphoses. La dernière en date, qui fait du couvent un centre des congrès pas comme les autres, ne signe pas la fin de l’histoire. Mais plutôt l’ouverture d’un nouveau chapitre pour ce quartier central de Rennes voué aux échanges, aux rencontres et au rayonnement intellectuel depuis plus de deux millénaires.
« L’histoire continue » aussi à travers des expositions prévues en même temps que l’ouverture aux congressistes et au public du Couvent des Jacobins : fin 2017, une présentation-écrin mettra en scène au Musée de Bretagne l’histoire de Louise de Quengo et des pratiques funéraires, avant une grande exposition en octobre 2018 sur la fabrique de la ville dans laquelle le Couvent des Jacobins occupe une place particulière.
- Voir la chronique des fouilles de l’Inrap du couvent des Jacobins